Pierre-Jules Baroche (1802 – 1870), juriste, ministre de Justice

1re image: Soirée; 2e: par Farcy (1851); 3e: gravure (c.1860); 4e: par Disderi (1868).

Baroche le chauve-souris (1870)
du Ménagerie Impériale

Jules Baroche est probablement la personne la moins appréciée du Soirée au Louvre.
Orateur et juriste talentueux, toujours prêt à des débats véhéments à l’Assemblée, Baroche exécuta les basses œuvres du coup d’État de Louis-Napoléon.

Il réduisit les droits de vote, interdit la presse, imposa la censure et favorisa les exécutions publiques. Il persécuta, emprisonna et déporta ses opposants politiques.

Nommé ministre de l’Intérieur (1850–1851), il remplaça l’avocat Ferdinand Barrot55 et servit durant plusieurs années au Conseil d’État et au Ministère de la Justice. Il méprisait Haussmann07 et son coûteux réaménagement de Paris, lui opposant résistance à chaque occasion.

Viel-Castel43, cohôte des vendredi-soirées écrit :
« Baroche est un canaille », et « La princesse Mathilde le considère comme le plus grand voleur de tous. »

Pourquoi un tel homme assistait-il aux vendredi-soirées, et pourquoi fut-il représenté ?
Probablement parce qu’en 1853, bien que totalement ignorant en matière d’art —ignorant comme une carpe, écrivait Viel-Castel— il parvint à être nommé président du jury pour la sculpture, la gravure et les médailles à l’Exposition de 1855. De Nieuwerkerke16, contraint de rencontrer fréquemment cet influent politicien, préférait éviter son opposition. Il aurait été imprudent de ne pas lui accorder une place importante dans le tableau. Bien qu’Eugène Giraud11 ne l’ait pas caricaturé, plusieurs journaux critiques s’en chargèrent.

La célèbre tragédienne Rachel Félix81 s’opposa avec succès à Baroche lorsqu’il destitua son ami Arsène Houssaye du poste d’administrateur du Théâtre-Français. Ses amis, les écrivains Augier53, Musset73 et Ponsard70a avaient déjà plaidé sa cause, en vain.
Un soir, Rachel attendit devant la maison de Baroche et s’invita dans son fiacre lorsqu’il partit. Elle lui déclara qu’elle démissionnerait s’il ne réintégrait pas Houssaye. Baroche céda, à condition qu’elle et Arsène dînent avec lui le samedi suivant. Pendant dix ans, Houssaye programma des pièces modernes de Hugo, de Musset et Dumas, qui rencontrèrent un immense succès. Il n'existe aucune trace du déroulement du dîner.

À la chute du Second Empire en 1870, Baroche et d’autres politiciens, comme Drouyn de Lhuys, partirent en exil sur l’île britannique de Jersey, refuge de nombreux réfugiés politiques. Lorsqu’un pigeon en provenance de Jersey apporta la nouvelle de sa mort en exil en 1870, un journal déclara :
« On a dit jadis que le cadavre d'un ennemi mort sent toujours bon. Sans aller plus loin, nous dirons, que la France vient d'être débarrassée par la mort d'un mauvais citoyen, et la République d'un ennemi acharné […] cet ancien ministre de l'injustice bonapartiste »
Même une revue religieuse dénonça Baroche comme un homme de main sans scrupules, se vantant « d’avoir de vancé la justice populaire ».

Ses obsèques furent boudées par ses alliés. Le lendemain de sa mort, son fils fut tué près de Le Bourget par l’armée prussienne. Un commentaire dans la presse affirma durement que cette mort héroïque compensait au moins partiellement les actes de son père.