Louis-Félicien-Joseph Caignart de Saulcy (1807 – 1880), numismate, conservateur, archéologue amateur
1st image: Soirée; 2e: par Giraud (1852); 3e: par Heim (1856); 4e: par Schultz (1865).
Félix de Saulcy, à la fois conservateur et archéologue, étudia à l’École Polytechnique et occupa le poste de conservateur du Musée de l’Artillerie à Paris de 1841 jusqu’à son remplacement par Penguilly d’Haridon57 en 1856. Il fut invité à la soirée de de Nieuwerkerke16 le 15 janvier 1852 afin de présenter ses découvertes sensationnelles issues de son voyage en Terre Sainte.
Eugène Giraud11 le représenta avec humour, main dans la main avec son fils, en train de tirer au canon —un clin d’œil à son passé dans l’artillerie et aux débats explosifs que ses découvertes suscitaient.

En décembre 1850, après le décès soudain de son épouse Pauline de Brye, fille d’un numismate, il entreprit avec son fils Félicien, alors âgé de dix-huit ans, un voyage d’exploration au Levant : Syrie et Palestine. Passionné d’archéologie, d’entomologie, de mollusques et de numismatique (pièces antiques), de Saulcy avait déjà étudié les monnaies byzantines et des croisades, et déchiffré un texte phénicien découvert près de Marseille en 1847.
Ses découvertes d’amateur, souvent accompagnées de raisonnements créatifs, suscitèrent régulièrement le scepticisme des universitaires, qui menaient principalement leurs recherches depuis leur fauteuil. Entre décembre 1850 et avril 1851, Félix et Félicien explorèrent la Terre Sainte, récemment accessible aux voyageurs dans des conditions relativement sûres. Lors de son périple, il annonça avec enthousiasme à l’Institut avoir découvert les tombeaux des rois de Juda. Ses déclarations firent sensation.
À son retour, il rapporta un couvercle de sarcophage qu’il attribua au roi David. Dans plusieurs articles de presse (notamment l’Illustration, mars 1852) et dans son ouvrage publié en 1853, Voyage autour de la Mer Morte et dans les terres bibliques, il décrivit la découverte des ruines de Sodome et Gomorrhe ainsi que ses fouilles au Tombeau des Rois.
Cependant, le scepticisme grandit lorsque des experts, dont le célèbre historien et linguiste Renan27a, contestèrent ses trouvailles, rejetèrent ses dessins comme étant des faux et appliquèrent l’adage « Celui qui vient de loin peut bien mentir ».
Déterminé à défendre ses conclusions avec une approche militaire, de Saulcy envoya en 1853 le peintre Auguste Salzmann documenter les sites par la photographie —un médium moderne auquel Salzmann était opposé. Les 174 images produites confirmèrent l’existence des ruines mais ne validèrent pas les affirmations de de Saulcy. Les tombeaux situés au nord de Jérusalem, qu’il attribuait à David, furent plus tard identifiés comme ceux de la famille royale d’Adiabène.
Avec l’aide de son frère égyptologue Ernest et de ses amis voyageurs et experts Mérimée54 et Viollet-le-Duc40a, de Saulcy engagea de vifs débats avec ses rivaux académiques.
En décembre 1852, de Saulcy épousa Mathilde de Billing, fille de dix-neuf ans de baron et diplomate Adolph Billing, décédé un mois auparavant. Il accompagna le prince Napoléon lors d’une expédition au pôle Nord en 1856 et devint sénateur en 1859. Son épouse fut nommée dame de cour de l’Impératrice.
Il retourna au Moyen-Orient en 1863, déterminé à prouver que ses détracteurs avaient tort. En décembre, son équipe découvrit une tombe inconnue à Jérusalem. Son contenu —le corps d’une reine enveloppé dans un tissu doré— se désintégra immédiatement au contact de l’air. La communauté juive dénonça cette profanation, déclenchant un conflit politique.
De Saulcy fit sortir clandestinement le sarcophage du pays et le fit déposer au Louvre. Le site de la découverte, surnommé « Tombeaux des Rois », fut racheté par la famille de banquiers juifs Pereire, puis offert à l'État français. Aujourd'hui encore, il appartient à la France.
Bien que Renan et d'autres experts aient confirmé que le sarcophage n'était pas celui d'une reine de Juda et que le tombeau n'était pas celui de rois, mais celui d'Hélène d'Adiabène, le Louvre a attribué l'origine du sarcophage aux rois de Juda. Aujourd'hui encore, cette zone des « Tombeaux des Rois » fait l'objet de controverses entre la France, la Palestine et Israël.
Numismate reconnu, de Saulcy amassa une vaste collection de pièces et d’objets anciens.
Refusant une offre de 500 000 francs d’un musée londonien, il préféra vendre sa collection au Louvre pour 300 000 francs afin qu’elle demeure en France.
Sa santé déclina progressivement, et il s’éteignit à Paris à l’âge de soixante-treize ans.