Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-1879), architecte
1re image: Soirée; 2nd: daguerréotype ancien (1844); 3rd: photo par Marville (1860); 4th: caricature par Eugène Giraud dessiné le vendredi 12 avril 1861 à la soirée de de Nieuwerkerke. (Alternatif: Troyon)
L’architecte Eugène Viollet-le-Duc fut à l’origine de mon projet de recherche en 2015, lorsque j’ai découvert Une Soirée au Louvre lors d’une exposition à Paris consacrée à ce célèbre architecte. Sa présence dans le tableau a été confirmée par plusieurs institutions, bien qu’un article de la Gazette du Midi de 1855, découvert en avril 2024, suggère que le personnage pourrait plutôt être son ami, Constant Troyon. À mon avis, ils ont tous les deux leur place ici.
Viollet-le-Duc assista à plusieurs vendredi-soirées de de Nieuwerkerke16, dès le 19 décembre 1851. Il était également un habitué très apprécié du Salon de la Princesse Mathilde.

L'aspect intéressant des restaurations de Viollet-le-Duc était qu'il restituait des bâtiments dans un état qui n'avait jamais existé. De nombreuses structures historiques avaient évolué par phases, parfois sur plusieurs siècles, intégrant des ajouts contemporains aux plans d’origine. Viollet-le-Duc réinterprétait ces bâtiments, comme la cité fortifiée de Carcassonne, selon un style médiéval qu’il considérait comme authentique.
Son expertise en construction médiévale et en design était immense et unique, bien que certains de ses contemporains l’aient moqué. Toutefois, Napoléon III appréciait son travail et lui confia de nombreux projets, souvent en collaboration avec Prosper Mérimée54, inspecteur des monuments historiques.
Parmi ses restaurations les plus célèbres figure Notre Dame de Paris, dont il mena la reconstruction sur vingt ans après avoir obtenu la mission en 1844. Il conçut une nouvelle flèche ornementale, substantiellement plus grande que l’originale, et ajouta une statue de Saint Thomas, patron des architectes, qui présentait une ressemblance frappante avec lui-même.
Lors de l’incendie de 2019, cette flêche fut détruite. Malgré le fait qu’elle n’existait pas avant la réinterprétation de Viollet-le-Duc, elle fut reconstruite fidèlement selon son design de 1860. L’ambitieuse transformation de l’architecte avait longtemps été sujette à critiques —Eugène Giraud11, dès 1861, tournait déjà cette immense flèche en dérision dans une caricature.
En 1853, Napoléon III nomma Viollet-le-Duc Inspecteur général des bâtiments religieux. L’année suivante, il publia son magnum opus en dix volumes, Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVI siècle, consolidant son statut d’expert incontournable.
L’empereur l’estimait au-delà des restaurations classiques —en 1856, il lui demanda de concevoir un wagon impérial dans un style gothique. Viollet-le-Duc, d’un naturel bienveillant, appelait souvent l’empereur « patron » ou même « papa », et répondait aux critiques avec amabilité et expertise.
On sait moins que Viollet était l'ingénieur en chef de la Statue de la Liberté. Il en a conçu la structure interne pour son brillant élève et ami Auguste Bertholdi (aussi élève de Ary Scheffer41a) et l'a aidé à concevoir la torche. Les plaques de cuivre martelées à l'extérieur de la structure, qui donnaient à la statue son allure imposante, étaient également une idée de Viollet. À la mort prématurée de Viollet, Bartholdi s'est tourné vers Gustave Eiffel pour achever la structure.
Viollet-le-Duc est décédé en 1879, alors qu'il travaillait à la reconstruction de la flèche de la cathédrale de Lausanne, incendiée en 1825. Mieux vaut être prudent avec les flèches.