Victor Regnault (1810 – 1878), académicien, photographe, chimiste
1re image: Soirée; 2e: autoportrait (1853); 3e: caricature par Giraud au vendredi-soirée 1853); 4e: par Heim (1856); 5e: portrait par Amaury Duval (1838). (Alternatif: Liszt)
Victor Regnault fut un éminent académicien sous le Second Empire. Son nom est même inscrit sur la Tour Eiffel. Collaborant avec des scientifiques renommés tels que Gay-Lussac, Von Liebig et Daguerre, l’inventeur de la photographie, il aurait acquis une célébrité encore plus grande s’il n’avait pas connu autant de revers au cours de sa vie.
Son père mourut en Russie alors que Victor n’avait que deux ans ; sa mère disparut six ans plus tard. Il a échoué à l'examen d'entrée à l'École Polytechnique parce qu'il était trop malade. Son œil gauche a été gravement endommagé lorsqu'il a été frappé par un morceau de verre lors de la rébellion de 1832.
Il resta dans le coma pendant douze jours après une chute de quatre mètres du toit d’un laboratoire en 1856.
Sa femme mourut en 1866 et son fils Henri Regnault (1843 - 1871)(video), considéré comme l'un des peintres les plus prometteurs de France (et deviné et protégé par Troyon40b), fut tué par une balle prussienne en janvier 1871. Saint-Saens lui dédia sa Marche héroïque.
Une autre tragédie survint cette année-là lorsque son laboratoire fut incendié pendant la guerre, détruisant une décennie d’inventions et de ses notes liées aux instruments de mesure des gaz, aux hygromètres et aux recherches photographiques qu’il avait commencées en 1839. Il subit une attaque cérébrale en 1873 et vécut en maison de soins jusqu’à sa mort.
Mais sa vie connut aussi des moments heureux : il fut élevé avec sa sœur par la chaleureuse famille Clément-Duval à Paris et épousa leur fille Clémence. Son cousin Amaury Duval44a , assis près de lui dans le tableau, peignit son portrait en 1838.
Il parvint à intégrer l’École Polytechnique en passant un autre examen, loin de Paris, et en sortit diplômé avec les meilleurs résultats.
Il devint membre de l’Académie des sciences à seulement vingt-neuf ans et fut nommé professeur à l’École Polytechnique lorsque Gay-Lussac prit sa retraite en 1840.
Avec l'invention de la photographie en 1839, Regnault fut l'un des premiers à l'adopter et à expérimenter diverses techniques (daguerréotype et calotype) dès 1841. Regnault utilisa ce dernier type, créant des négatifs qui permettaient de réaliser de multiples copies (contrairement aux images positives uniques du daguerréotype).
En 1852, il fut nommé administrateur de la Manufacture impériale de Sèvres. Dans cette usine, des peintres comme Isabey52, Troyon et Renoir ont débuté leur carrière.
Bien qu’il ne fût pas un penseur novateur comme Gay-Lussac, Von Liebig ou Daguerre, il était reconnu pour ses méthodes rigoureuses d’expérimentation des processus chimiques, les équipements qu’il concevait à cette fin, et sa précision méthodique qui lui permettait d’obtenir des données reproductibles.
Il est probable que Regnault ait présenté ses recherches photographiques lors d’une vendredi-soirée de de Nieuwerkerke16 en 1853, après que l’empereur lui ait confié la direction de la Manufacture de Sèvres (video) et lui ait rendu visite avec l’impératrice.
Le Message di Midi écrit : « À la manufacture, l'Empereur montrait du doigt une épave, un méchant coucou attelé d’un cheval a la triste encolure. ‹ Qui monte cette guimbarde ? ›
‹ Ce que vous appelez guimbarde, reprit M. Regnault, est le carrosse du directeur de votre manufacture impériale, c'est ma voiture, Sire. ›
Le lendemain, lorsque Regnault dit à son domestique d’atteler pour Paris, il arriva tenant par la main un beau cheval attelé à un délicieux landau. Lorsque le directeur demanda : ‹ Pourquoi avez-vous loué cette voiture et ce cheval ? › le serviteur lui remit un pli de l'empereur qui lui expliquait le mot de cette agréable surprise. »
À l'après-soirée, Eugène Giraud11 réalisa sa caricature, le représentant dans son costume académique et ajoutant une tasse en porcelaine de Sèvres.