François-Auguste Biard (1799 – 1882) peintre
1re image: Soirée; 2e: autoportrait (c.1845); 3e: superposition 1 & 2 ; 4e: autoportrait (1860); 5e: autoportrait (1870); 6e: Visage partiel de Rembrandt dans La Ronde de Nuit (1642).
Une curiosité dans Une Soirée au Louvre —les deux visages partiels— suscite des interrogations. Avec soixante-dix-huit autres figures représentées, Biard les intégra volontairement. Dans les peintures de commande, il est fréquent que les artistes insèrent des détails subtils, voire leur propre portrait, lorsqu’ils ne concurrencent pas les personnages principaux.
Parmi les exemples célèbres figurent Raphaël dans L’École d’Athènes (1511), Rembrandt dans La Ronde de Nuit (1642), et Courbet dans son œuvre non commandée Un Enterrement à Ornans (1850). Biard pourrait avoir suivi cette tradition.
Bien que certaines sources affirment que Biard se serait représenté parmi les invités en arrière-plan, cela serait très inhabituel pour une peinture de commande. Cependant, conformément à la tradition établie par Raphaël et Rembrandt, Biard pourrait avoir laissé son empreinte en s’intégrant partiellement à l’arrière-plan.
Le visage à cette position correspond assez bien. Voir mon analyse concernant l’autre personnage partiellement représenté (Léopold Heugel68) pour comparaison.

François-Auguste Biard, peintre français reconnu pour ses paysages, son humour et ses sujets exotiques, connut une carrière marquée par la célébrité et les épreuves personnelles.
Son œuvre mêlait sensation (Ours polaires, La Chasse des morses par des Groenlandais au mer polaire), orientalisme (Commerce des Esclaves, Naufragés), et satire (Triomphe d’un Ténor dans une Matinée Musicale). Son travail séduisit le grand public, bien que les critiques fussent souvent plus mitigées (Vidéo).
Mais pourquoi cette grande commande fut-elle confiée à Biard —artiste autodidacte sans expérience en peinture d’histoire— plutôt qu’à François-Joseph Heim28b, maître reconnu du genre ?

La réponse pourrait être liée à sa femme de l’époque, Léonie d’Aunet.
À vingt ans et enceinte, Léonie épousa Biard en 1840. Compositeur et pianiste Frédéric Chopin, sans détour, décrivit Biard comme « très laid, un peintre d’histoire, pas très célèbre. »
Pourtant, Léonie, d’esprit artistique, ressentit une étincelle lorsqu’elle rencontra Victor Hugo dans l’atelier de Pradier03 en 1843. Dès 1844, elle et Hugo échangèrent des lettres d’amour.
Biard, homme jaloux, soupçonna une liaison avec un acteur et engagea une agence de détectives (Tricoche, ironie du sort, un nom plus tard utilisé par Halévy19 en 1872 pour son pièce Tricoche et Cacolet) et la fit suivre.
Le 5 juillet 1845, Biard fit appel à la police et surprit Léonie dans le lit de Victor Hugo —un scandale retentissant. Hugo, récemment nommé Pair de France, était légalement protégé, mais Léonie fut emprisonnée deux mois et cloîtrée six mois chez les Augustines.
Après sa libération, Léonie poursuivit sa liaison avec Hugo jusqu’en 1851. Fait intrigant, Adèle Hugo —malgré les relations de son mari avec Juliette Drouet et Alice Ozy —aida Léonie à lancer sa carrière littéraire. C'est à la demande d'Hugo que Léonie a commencé à écrire sur sa pauvre enfance. Une partie de son histoire fut immortalisée par le personnage de Cosette dans Les Misérables (1862).
Biard, dévasté et moqué par la presse, devint une cible facile pour les commérages. L’empereur, peut-être par pitié, peut-être aussi parce que Heim avait trop de commandes en cours, dirigea des fonds des Beaux-Arts de de Nieuwerkerke pour commander cette œuvre et d’autres a Biard.
Après avoir terminé Une Soirée au Louvre en 1855 et finalisé son divorce avec Léonie, Biard partit plusieurs années en expédition en Amérique du Sud. Il passa ses dernières années sans peindre, retiré près de Fontainebleau.