Marie-Eugène-Frédéric de Reiset (1815 – 1891), conservateur Louvre

1st image: Soirée; 2e: gravure d'un dessin d'Ingres (inversé)(1844); 3e: caricature par Giraud (1851).

Frédéric de Reiset, en tant que conservateur, a été chargé par de Nieuwerkerke16 d’assister à de nombreuses vendredi-soirées. La disposition asymétrique de ses yeux dans le tableau est corroborée par un dessin d’Ingres. Une caricature de Giraud, mettant en avant les lunettes épaisses dont Reiset avait besoin en raison de sa presbytie, fut réalisée lors de l’après-soirée du 28 mars 1851.

Son collègue Viel-Castel43 avait une opinion critique de lui, principalement en raison de son absence de formation artistique académique. Il écrivait :
« Reiset, conservateur des dessins du Louvre, et Villot, conservateur de la peinture, ne possèdent pas le véritable sentiment de l'art. Ce sont des collectionneurs et non des connaisseurs ; ils sont étroits dans leurs appréciations, importants, et se croient les seuls juges compétents. »

Issu d’un milieu privilégié, le père de Reiset était banquier et receveur général à Rouen.
À la mort de son père en 1835, le jeune héritier de dix-neuf ans reçut une fortune considérable, qui lui permit de se consacrer à ses passions : art, musique, poésie, chasse et pêche.
Il épousa sa cousine Hortense, réputée pour sa beauté, et entreprit une longue lune de miel en Italie. Lors de ce voyage, il se lia d’amitié avec Ingres39 et Flandrin79, développant une admiration profonde pour l’art, en particulier les œuvres de Raphaël, qui l’inspirèrent à devenir collectionneur. Malgré une mauvaise vue, sa mémoire visuelle exceptionnelle lui permit de conserver des détails précis des œuvres qu’il avait contemplées.

En 1849, ses observations sur les réformes envisagées au Louvre lui valurent d’être nommé conservateur du département des dessins et estampes, soutenu par Ingres et le comte de Morny. À cette époque, la collection du Louvre comptait 36 000 dessins, dont des œuvres de Michel-Ange et Titien, souvent négligées.
Grâce à son travail rigoureux, il mit en place un catalogue de la collection.
Pour éviter tout conflit d’intérêts, il cessa ses acquisitions privées et vendit sa collection en 1860, puis après sa retraite en 1879, pour 500 000 francs, soit plusieurs millions d’euros aujourd’hui.

Défenseur de l’appréciation des œuvres d’art, Reiset fut l’un des premiers à suggérer un espacement plus important entre les peintures afin d’améliorer leur visibilité et leur appréciation individuelle.

Chateau Catinat Mathilde (1856)

Viel-Castel écrivit dans son journal que Reiset s'opposait fermement à ce que la princesse Mathilde achète un château près de la propriété de sa riche famille, au lac d'Enghien. Sa liaison extraconjugale avec de Nieuwerkerke, et leur manque de retenue, seraient un mauvais exemple pour le quartier et pour sa jeune fille. Une fois Mathilde installée là-bas (elle acheta le château pour loger ses nombreux invités, dont Ingres), il devint l’un de ses admirateurs les plus fidèles. Sa fille Marie appelait même de Nieuwerkerke « grand-père ».

Le buste en marbre de Marie réalisé par de Nieuwerkerke, qui obtint une médaille au Salon de 1855, est considéré comme l’une de ses œuvres majeures. Son emplacement actuel est inconnu.

À l’inverse des critiques de Viel-Castel, le conservateur Chennevières20 salua les contributions de Reiset : « Toutes ses qualités étaient contre lui : sa sincérité, son honnêteté candide, son amour de la précision, son empressement à obtenir ce qu’il savait être juste et utile pour son Louvre. […] M. Reiset fut l’un des meilleurs conservateurs que le Louvre aura connus. »

Après la chute du Second Empire, Reiset fut nommé directeur des musées nationaux en janvier 1874. À son décès en 1891, seule sa famille assista à ses funérailles. La princesse Mathilde assista cependant aux funérailles de son épouse, qui avait été son ancienne dame d'honneur, en 1893.