Nicolaï Dmitrievich Kisseleff (1802 – 1869), ambassadeur russe

1re image: Soirée; 2e: atelier 'ND' (c.1854); 3e: atelier 'ND' (c.1850); 4e: caricature 'Nicolai' dessiné par Giraud 1851); 5e: par Chalon (1838).

Écrit Kisseleff en français (dans la gravure de Dayot, 1900), mais aussi Kiselev, Kiselyov (la traduction la plus fidèle) et Kislew, cet aristocrate échappa longtemps à mes recherches. Nicolaï Kisseleff (Nicolai/Nicolas) servit à l’ambassade de Russie à Paris de 1829 à 1854, avec une interruption de trois ans à Londres, en tant que secrétaire (sous Pozzo di Borgo) auprès du ministre plénipotentiaire.

L'éducation de Nicolaï Kisseleff, fils d'une ancienne famille aristocratique russe, fut supervisée par son frère aîné Pavel Kisseleff, déjà homme d'État à l'époque. Nicolaï étudia le français, l'italien, le latin et le grec à l'Université impériale de Dorpat et à Saint-Pétersbourg, ainsi que la philosophie, et développa un profond goût pour la musique et la peinture.
À Saint-Pétersbourg, il se lia d’amitié avec le poète et dramaturge Alexandre Pouchkine. Tous deux tombèrent amoureux de la même femme, Annette Olenina, qui confia qu’elle accepterait volontiers d’épouser Nicolaï, qu’elle trouvait charmant et séduisant, même si elle ne le considérait pas comme une grande prise. Toutefois, le modeste Nicolaï resta indécis, laissant à Pouchkine l’opportunité de lui faire sa demande en premier.

Count Nicolai, par Giraud (1851)

Grâce aux relations de sa famille, Nicolaï obtint un poste de troisième secrétaire à l’ambassade russe à Paris et quitta Saint-Pétersbourg en juin 1828. Pendant vingt-cinq ans, Nicolaï vécut à Paris, pleinement immergé dans sa vie mondaine animée. Célibataire et surnommé Don Juan et briseur de cœurs, il fréquentait les concerts, les grands bals et les soirées aux Tuileries, y compris les vendredi-soirées de de Nieuwerkerke16.

Il dînait régulièrement avec Prosper Mérimée54, placé à côté de lui sur le tableau, et d'autres aristocrates.
Julie Bonaparte, fille de Charles-Lucien, neveu de Napoléon, connaissait Nicolaï depuis l'âge de dix-sept ans. Elle l'apprécia immédiatement lorsqu'il demanda à l'une des dames âgées lors d'une réception : « Qui est cette petite fille qui parle comme une femme ?» Dans ses mémoires, elle écrit : « [Kisseleff] est fort gai et aimable; il a un goût excessif pour les arts et très bon goût, c’est un des hommes que je rencontre toujours avec plaisir et dont la conversation me plaît. »

Sous la monarchie, Nicolaï œuvra à limiter le soutien français aux nationalistes polonais. Sous le Second Empire, il tenta de dissuader la France d’intervenir dans le conflit entre la Russie et l’Empire ottoman, mais échoua.
En janvier 1854, lors d’un grand bal organisé par la princesse Mathilde, Nicolaï fut aperçu dansant avec l’impératrice Eugénie, une démonstration de l’alliance franco-russe. Malgré son tact, les liens diplomatiques furent rompus plus tard ce mois-là, et il quitta Paris pour l’Allemagne. Après la guerre de Crimée, il fut remplacé par son frère aîné Pavel.

Nicolaï était si attaché à son abonnement au Conservatoire qu’il intenta un procès pour le récupérer lorsqu’il fut suspendu pendant son absence. Un tribunal français statua en sa faveur, invoquant force majeure. Alors que l’armée française conquérait Sébastopol, l’ambassadeur russe reconquérait son siège au Conservatoire.

À sa grande déception et à celle de la société parisienne, on lui interdit de revenir après la guerre, et il fut envoyé à Rome en 1855 comme ambassadeur. Ses fiançailles en 1862 avec Donna Francesca Ruspoli, veuve du poète Giovanni Torloni, tendirent ses relations avec le Pape, en raison des règles du Concile de Trente. Refusant leur mariage à Rome et à Paris, ils contournèrent l’interdiction en se mariant à Bâle en décembre 1863. Le Pape chercha à le remplacer, mais le Tsar, ému par leur amour, refusa et réintégra Nicolaï avec une augmentation de salaire.
Nicolaï poursuivit son rôle d’ambassadeur à Florence jusqu’à sa mort, en décembre 1869, des suites d’une infection sanguine.

Note: Giraud11 caricatura un « Nicolaï » vêtu d’un costume blanc élégant. Une enquête sur la famille de Nicolaï (marquis de Goussainville) révéla qu’aucun d’eux n’avait l’âge correspondant à la caricature de Giraud. J’en conclus que le personnage représenté est Nicolaï de Kisseleff.